Réalisateur : Mamoru Oshii
Avec : Malgorzata Foremniak, Wladyslaw Kowalski, Jerzy Gudejko
Genre : Science fiction
Synopsis : Dans une ville fictive d'Europe centrale, Ash est une accro de jeux vidéo et de réalité virtuelle. Solitaire, le seul compagnon qu'on lui connaisse est son chien. Elle était membre du groupe Wizard, constitué de véritables aficionados d'un jeu de guerre illégal nommé "Avalon", en référence à l'île légendaire où reposent les âmes des héros. Mais depuis que la bande s'est dissoute, Ash joue seule. Un jour, elle apprend que son ancien amant, Murphy, est devenu un zombie, un "non-revenu". Ce dernier était pourtant un joueur talentueux.
Son sort intrigue Ash. Celle-ci décide alors de refaire le chemin qu'il a pris en jouant dans une zone interdite baptisée "Class A". Pour y parvenir, elle doit suivre l'Ombre, une mystérieuse petite fille aux yeux tristes.
(source : allocine)
En bref : Cette fois j'ai choisi de prendre le synopsis d'Allociné, sans y apporter la moindre modification, parce qu'il ne donne qu'un très vague aperçu du film. Que je m'explique. L'histoire peut effectivement se résumer à ces quelques lignes, seulement il s'agit d'un film de Mamoru Oshii. Et quand on connait un peu le monsieur (Ghost In The Shell, Patlabor pour ne citer que ces deux films) on se doute bien que la réflexion va aller bien au delà de la simple action.
Premier film du réalisateur japonais tourné en occident (en Pologne pour être précis), dans une langue autre que celle du soleil levant (le polonais donc) celui-ci ne décoit pas, si tant est que l'on apprécie l'univers du maître. En effet, tous les aspects techniques du film nous plonge dans un désarrois assez inimaginable, à commencer par la direction de photographie.
Déroutante est le mot qui la qualifie le mieux, car à aucun moment on ne sait finalement si Ash est dans le monde réel ou dans un jeu (si ce n'est quand les effets spéciaux, très bien conçus, montrent le bout de leur pixel). Toute la première partie du film est marquée par des tons dans les marrons et noirs, qu'elle soit dans Avalon ou non. Et lorsqu'enfin la couleur apparait - grand moment, du reste - et que l'on croit avoir compris, M. Oshii persiste et signe et nous ramène à la case départ. Cette impression de flou est d'ailleurs d'autant plus flagrante dans la première partie du film car les lieux où évoluent les personnages sont totalement impersonnels, presque indissociables les uns des autres et que le réalisateur a poussé le trait jusqu'à collaborer étroitement avec l'armée polonaise pour toutes les séquences de combat, leur confiant ainsi un réalisme qui ne manque pas de nous perdre (puisque nous sommes sensé ne plus être dans la réalité).
A cela s'ajoute les choix de montage, qui peuvent très sérieusement laisser perplexe : les plans s'enchainent de manière quasi laconique, monotone et quand surviennent les rares scènes d'action, magnifiquement cadrées et précises, on se retrouve désarmé devant leur incroyable lenteur. Et pourtant, nul ennuie ne point. On reste fasciné, dans l'expectative. Comme si, inconsciemment - et tout comme Ash, parfaitement incarnée par Malgorzata Foremniak - , on savait que quelque chose de profond, nouveau et surprenant surviendrait à un moment donné.
Enfin, pour parachever ce travail technique de confusion du spectateur, Mamoru Oshii peut compter sur son fidèle compositeur Kenji Kawai, qui nous offre une fois encore un chef d'oeuvre musical envoutant, enveloppant même - du chant lyrique et de grandes pièces rappelant Richard Wagner (entre autres) orchestrés de façon moderne - et parfaitement en adéquation avec ce qui est présenté à nos yeux.
Oui mais dans ce cas Avalon a-t-il vraiment de l'intérêt, me direz-vous, si il n'y a pas grand chose à voir de stimulant, et visiblement pas grand chose à comprendre ? C'est justement là où se trouve la plus grande finesse du film - comme de toute les oeuvres de M. Oshii - , c'est que des choses à comprendre il y en a, et presque autant qu'il y a de façons de voir le film. J'ai tenté, avec un ami, d'en faire un résumé aussi clair et précis que possible, eh bien, croyez-moi ou non, certains points ont fait l'objet d'un débat très long et au bout duquel nous ne sommes pas tombés d'accord, ce même si les arguments de l'autre étaient parfaitement recevables également.
Evidemment il y a le niveau 1 de compréhension, l'histoire en elle-même, mais ce niveau est systématiquement relié aux autres (ou alors le spectateur n'ira même pas au bout du film). En effet, sans tout vous révéler, sachez que l'histoire se finit en queue de poisson et que, fatalement, cela nous ramène au début du film. Et qui dit retour au départ, dit forcément tentative d'appréhender le film différemment. Parce que ce film est un véritable labyrinthe. Cela peut déplaire, particulièrement à nous autres occidentaux éduqués (qu'on le veuille ou non) à la sauce américaine - début, milieu, fin, point à la ligne on passe à autre chose - mais le choix est volontaire, assumé. N'y voyait là aucun aspect péjoratif, il s'agit d'un simple constat auquel je suis moi-même soumis.
On retrouve également dans cette oeuvre, sélection officielle du festival de Cannes 2001 (pour rappel), un thème récurrent chez Oshii : l'univers virtuel/les nouvelles technologies et leurs dégâts sur l'individu et la société, déjà présent dans Ghost in The Shell et Patlabor, mais abordé sous un angle nouveau et plus actuel, par le biais des MMORPG. De la même manière, on retrouve cette propension qu'a Oshii à enrober ses histoires dans des mythes archi-connus, du moins à ce qu'on croit. Ici c'est les légendes arthuriennes qui ont le beau rôle, mais il y ajoute une note "japonisante" avec le personnage du Ghost, cette petite fille seule et un peu effrayante (mention spéciale à Zuzanna Kasz), qui n'est pas sans nous rappeler une certaine Sadako.
e pourrais disserter des heures sur ce film, en faisant (logiquement) moulte parallèles avec tous les autres films de maître Oshii, mais je vais m'en tenir là. Toutefois je terminerai avec ceci : j'ai souvent entendu les gens dire que Matrix et Ghost in The Shell, ou Avalon donc, se ressemblaient à s'y méprendre. Et pourtant il y a une différence fondamentale entre les deux, qui explique mon respect pour le premier et ma fascination sans limite pour les seconds.
Dans Matrix, on nous abreuve d'informations, presque jusqu'au gavage, pour nous faire voir et comprendre des choses que les réalisateurs VOULAIENT qu'on voit. Dans les films d'Oshii c'est justement ce manque flagrant d'informations qui nous pousse à la réflexion et qui nous amène, après deux, trois ou quatre visionnages, dans des réflexions qu'on aurait jamais pensé avoir sur un film. Dans des réflexions auxquels le réalisateur n'avait même jamais songé, de son propre aveux.
De quoi laisser perplexe non?