Murakami Haruki, l'incontournable écrivain du moment

Né à Kyôto en 1949, Murakami a grandi à Kobe et vit désormais à Tôkyô. Il a gagné de nombreux prix littéraires, donc le Prix Yomiuri, qu'avaient reçu avant lui de grandes pointures comme Yukio Mishima, Kenzaburo Oe et Kobo Abe. Ses oeuvres ont été traduites dans 27 langues à ce jour.

Ses oeuvres :

* Romans
o Écoute la voix du vent
o Le flipper de 1973
o La course au mouton sauvage
o La Fin des temps
o La Ballade de l'impossible
o Danse, danse, danse
o Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil
o Chroniques de l'oiseau à ressort
o Les Amants du Spoutnik
o Kafka sur le rivage
o Le passage de la nuit
o Autoportrait de l'auteur en coureur de fond
o 1Q84

* Recueils de nouvelles (traduits en français)
o L'éléphant s'évapore
o Saules aveugles, femmes endormies
o Après le tremblement de terre

Recueil de nouvelles. Les récits se situent tous peu après le grand tremblement de terre de Kobe. Pas vraiment directement liés au séisme, ces histoires nous présentent des personnages d'autres régions, plus ou moins touchés par les évènements. Un homme que sa femme quitte et qui passe une semaine à Hokkaido. Des passionnés de feux de joie. Un voyage en Thaïlande...

Dans ces récits très variés, le thème du séisme est toujours latent et surgit quand on ne l'attend pas forcément. Des histoires dans lesquelles il ne se passe pas grand chose, mais le style de Murakami Haruki étant très agréable, on apprécie vraiment.

Sommeil chez Belfond

Une nouvelle tirée du recueil L'éléphant s'évapore mais sortie aussi seule dans une édition très belle avec des illustrations oniriques.

L’auteur explore, comme toujours, le rêve, la réalité et le monde de la nuit en prenant comme héroïne une femme trentenaire qui ne dort plus depuis dix-sept jours…

Un récit prenant de simplicité et d'étrangeté. On se laisse emporté par ce récit à l'étrange point de départ et sa lecture est plaisante du début à la fin. Les illustrations sont parfois étranges mais correspondent parfaitement à l'univers décrit dans la nouvelle. Un bel objet en plus d'être un beau récit.

« Tony Takitani resta longtemps à contempler d'un oeil vague les vêtements de sa femme. Pour lui, c'était comme une ombre qu'elle avait laissée derrière elle. Des ombres de taille 36, superposées sur plusieurs rangées, pendant sur les cintres. On aurait dit un échantillon des possibilités infinies que recelait l'existence humaine, rassemblées et suspendues là. »
Une fable urbaine, empreinte de grâce et de mélancolie, sur l'art, l'amour et la profondeur de la solitude.

Un récit doux amer qu'on lit d'une traite. Bien que la nouvelle soit somme toute assez courte, elle est très complète et ne nous laisse pas dans l'obscurité. Tout est dit, et on en apprend même sur les parents de Tony avant d'en arriver à sa vie à lui. Et la fin de la nouvelle, sorte d'apothéose calme, est à la fois sobre et magnifiquement poignante. Un bon exemple du talent d'écrivain du désormais incontournable Haruki Murakami.



Lire la nouvelle en anglais (lien alternatif, source du premier mais sans mise en page)
Un film a vu le jour.
Ce récit appartient au recueil Saules aveugles, femmes endormies.

Toru Okada, jeune japonais, la trentaine, abandonne son emploi du jour au lendemain pour se consacrer aux tâches domestiques durant la journée, en attendant le retour de sa femme, Kumiko. Un jour, alors qu’il se fait cuire des pâtes, le téléphone sonne, et une voix féminine lui demande dix minutes de conversation afin de mieux se comprendre... Mais au bout de quelques minutes, il raccrocha le téléphone, dégouté pas les propos de son interlocutrice... En voilà bien une autre ! Entre temps le chat à la queue tordue avait disparu. A partir de cet instant, petit à petit, toute la vie de Toru Okada va basculer, comme dans un univers parallèle, sans jamais lâcher totalement prise avec la vraisemblance, tout en s’éloignant concentriquement...

Un récit très étrange mais porté par une narration prenante et efficace. On est intrigué tout du long et même si les tenants et les aboutissants semblent nous échapper tout du long, on a envie de comprendre un peu plus le pourquoi du comment. Soyons claire, si vous aimez des histoires palpitantes et pleines de rebondissements, du genre avec un début et une fin où on a tout compris, passez votre chemin. Mais si vous aimez parfois vous échapper dans un univers onirique, vous devriez aimer ce roman de Murakami Haruki qui est très beau mais inclassable.

Je me rends compte que je n'ai toujours pas parlé du dernier bestseller de cet auteur, 1Q84 (prononcez 1984).

Les trois tomes sont sortis en coffrets et deux sur trois sont déjà disponibles en poche. On les trouve dans toutes les bonnes bibliothèques et franchement c'est un titre capable de toucher un large public, d'où son succès.


L'histoire : Au Japon, en 1984. C'est l'histoire de deux mondes, celui, réel, de 1984 et un monde parallèle tout aussi vivant, celui de 1Q84. Deux mondes imbriqués dans lesquels évoluent, en alternance, Aomamé et Tengo, 29 ans tous deux, qui ont fréquenté la même école lorsqu'ils avaient dix ans. Un jour, Tengo l'a défendue contre d'autres enfants et Aomamé lui a serré la main. Un pacte secret, le signe d'un amour pur dont ils auront toujours la nostalgie. En 1984, chacun mène sa vie, ses amours, ses activités. Tueuse professionnelle, Aomamé se croit investie d'une mission : exécuter les hommes qui ont fait violence aux femmes. Tengo est un génie des maths, apprenti-écrivain et nègre pour un éditeur qui lui demande de réécrire l'autobiographie d'une jeune fille échappé à la secte des Précurseurs. Les deux jeunes gens sont destinés à se retrouver mais où ? Quand ? En 1984 ? Dans 1Q84 ? Dans cette vie ? Dans la mort ?...

Franchement, ce roman est une merveille ! J'avais rarement été aussi emballé par un récit à la fois si réaliste et décalé. Comme toujours Murakami joue avec nous et tord les limites du réel. Mais cette fois, il nous donne plus de clefs de compréhension, assez pour avoir un sentiment de satisfaction non mêlé de frustration à la fin du troisième volet. Enfin, si on a l'habitude de le lire, car les néophytes seront tout de même un peu déconcertés, et d'ailleurs on remarque que nombreux sont ceux qui cherchent s'il existe une suite. Mais le cadre est donné : l'année 1984 (déjà immortalisé par anticipation par George Orwell) et avec le mois de décembre le récit se termine pour de bon. Il est intéressant de voir que Murakami a pris Orwell à revers tout en allant d'une certaine manière dans son sens. Ainsi pas de vision futuriste mais au contraire une certaine nostalgie. On est replongé dans l'époque à travers les détails de la vie quotidienne qui semblent à la fois si proches et si lointain. Et pourtant, on n'échappe pas à une omniprésence étouffante, celle des "Little People" qui sont le pendant et la nemesis de Big Brother : invisibles le plus souvent, surnaturels, insaisissables, mais proches de l'omniscience. Bref, un roman qui comblera tant les amateurs de bon roman que les plus littéraires.